Management visuel et amélioration continue. Electronique ou papier ?

Cette question, je pense que tout le monde se l’est posée un jour. Et tout le monde y a répondu avec conviction. Mais qui a vraiment pris le temps d’y penser ? Quels sont les arguments ? Qu’apportent ces deux approches ? Y a-t-il simplement une réponse unique à cette question ?

Je créé ce billet de blog afin de partager avec vous ma réflexion sur ce sujet, car en tant qu’agent du changement, je me dois d’avoir une vision claire et approfondie sur le management visuel tant dans ses objectifs opérationnels que dans sa forme.

A cette question précise de la forme, chacun a un avis souvent très tranché :

  • Les achats, pour des raisons de gestion de stocks de papier et de post’it, sont plus souvent tournés vers la version électronique.
  • Les managers qui souhaitent tout contrôler et tout voir depuis leur poste de commande que représente leur ordinateur ont bien évidemment tranché en faveur du format électronique.
  • Les ours polaires préféreront également les formats numériques aux formats tuant les arbres et la nature.
  • Et les équipes ? Malheureusement, bien souvent, elles utilisent ce qu’on leur dit d’utiliser.

Que voulons-nous faire ?

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Qu’attendons-nous d’un management visuel? Là encore selon les personnes, on n’a pas toujours le même but.

Les managers vont attendre d’un management visuel un reporting d’activité. Un endroit permettant de voir à tout moment l’activité en cours, terminée, et à venir (à court terme) pour une équipe. Et c’est déjà beaucoup.

Cependant, la mise en place d’un outil de management visuel est – normalement – fait pour accompagner la mise en place de méthodes d’amélioration continue. Le Lean préconise notamment la mise en flux de l’activité (via le kanban) afin de mettre en avant des blocages permettant de révéler des axes d’amélioration. Une équipe plongée dans l’amélioration continue va donc attendre de son management visuel un réel outil de gestion de flux et d’amélioration et non un simple outil de suivi d’activité comme on le voit (trop) souvent. Cet outil se doit donc de coller au mieux à l’activité de l’équipe ainsi qu’à son contexte du moment. Il est donc impératif qu’il évolue avec elle.

Les attentes sont donc bien distinctes, et je vais essayer d’éclairer les avantages et les inconvénients de chacun des procédés.

L’outil numérique

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Les outils numériques permettant de suivre une activité de développement et un flux de production sont assez nombreux. Parmi les plus connus, on aura Trello, Jira Agile, IceScrum, Kanboard, et pas besoin de chercher davantage pour en trouver encore une ou deux. Cet article n’est pas là pour en faire un comparatif, vous en trouverez là aussi des pelletés sur la toile.

Ces outils ont un avantage indéniable face aux papiers, c’est qu’ils sont accessibles de partout où il y a du réseau. Et donc à moins d’habiter une cabane en haut d’une montagne, vous pouvez visualiser l’activité de n’importe quelle équipe et à tout moment de la journée sans quitter votre siège et sans lâcher votre écran des yeux. Pour suivre l’activité, c’est donc un outil idéal, on peut aisément structurer un flux classique et avoir une photo instantanée sur l’activité en cours, terminée et à venir.

Cela dit, l’équipe de production voit beaucoup moins souvent leur PO, les managers et autres parties prenantes du projet qui passaient avant dans leur bureau pour jeter un œil sur l’activité de l’équipe et du produit. Et d’expérience, les échanges improvisés dans ces moments sont souvent très intéressants.

Mais ces outils numériques ont un avantage concernant l’amélioration continue. En effet, ils peuvent faciliter le calcul de la capacité du système (indicateurs de performance chers au Kaban) comme par exemple :

  • Le débit du système représentant le nombre moyen d’éléments livrés par unité de temps (semaine, sprint, etc.)
  • Le temps de traversée d’un élément qui est le temps passé entre la demande du client et la livraison (ce qu’on appelle aussi le Lead Time)

Ces indicateurs ont ceci de particulier qu’il est nécessaire de réaliser des statistiques sur les éléments qui traversent le système. Je vous laisse essayer de faire l’exercice avec du papier et des post’it, c’est assez fastidieux. Et alors quand on tente la mise en place d’un Valus Stream Mapping afin d’analyser les temps passés dans chaque étape du flux de création de valeur, le papier n’est clairement plus adapté du tout. J’ai essayé personnellement de le faire, et bien j’en suis revenu.

Bref, l’outil numérique a donc deux vertus :

  • La visualisation de l’activité d’une équipe n’importe où et n’importe quand
  • Les calculs de la capacité du système pour identifier des axes de progression

L’outil « papier »

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Histoire de bien comprendre de quoi je parle quand je dis « management visuel papier », je parle de management au mur matérialisé avec du bon vieux papier et des post’it. Alors c’est sûr que si on présente le management visuel « papier » de la même façon qu’un management visuel dématérialisé, les managers, les PO, les équipes et les ours polaires seront totalement contre. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’intérêt à utiliser du papier quand nous, consommateur d’outils informatiques (à part les ours), pouvons utiliser un outils web, design et utilisable sans quitter sa souris.

MAIS (oui, il y a un mais), l’outil informatique peut-il vraiment être utilisé comme un véritable outil d’amélioration continue capable de rendre visible tous les types d’obstacles possibles dans notre système de production ?

Une des principales différences qu’il y a entre un management visuel électronique et « papier » est la flexibilité. En effet, si on souhaite écrire quelque chose à un endroit précis, mettre des post’it de travers pour une raison particulière, créer une swimlane « urgent » n’ayant pas les mêmes étapes que la swimlane classique, la supprimer et la remplacer par deux autres dont une est entourée de rouge, on peut le faire avec le papier. Si on souhaite utiliser un outil informatique, il va falloir qu’il s’adapte à notre besoin, et malheureusement, c’est souvent nos besoins qui s’adaptent à l’outil.

N’oublions pas qu’un des objectifs du management visuel est de mettre en avant des problèmes afin de les résoudre. Le papier va donc nous permettre par exemple :

  • d’ajouter aux étapes « Analyse », « Développement », « Test », des sous-étapes « En cours » et « Terminé », afin de voir les stocks produits au cours de la production
  • d’ajouter des reds bins pour chaque étape pour pouvoir identifier des problèmes d’attentes, ou de DOR (Définition Of Ready) mal défini, afin de faire des PDCA et les résoudre
  • de mettre des limites de WIP sur les étapes principales, sur les sous-étapes, et pourquoi pas sur le tableau entier, le backlog, un couple d’étapes ou même des limites par équipier afin de limiter le « multi-tasking »
  • de définir des swimlane ayant chacune des étapes différentes afin de coller au mieux à notre processus de production et visualiser des problèmes liés à un type particulier de demande
  • etc.

Et ce ne sont là que des exemples… Toutes ses actions, je n’en doute pas, peuvent trouver un équivalent, ou une façon d’être gérées via une application. Mais quand une équipe cherche à adapter sa manière de travailler à un outil informatique, nous perdons déjà de vue l’objectif premier du management visuel.

Un autre point très important, c’est que le Lean Management (et plus spécifiquement le Kanban) définit le management visuel comme un outil d’amélioration au même titre que le A3, le PDCA, les daily standup, etc. Ils sont avant tout fait pour créer un espace de communication pour l’équipe (voir cet article). Mettre un tableau au mur, c’est créer un espace de communication idéal pour une équipe notamment pour leur standup. Cela leur permet de prendre du recul sur leur activité en leur sortant la tête des écrans. On peut y visualiser en un clin d’œil l’activité, les problèmes rencontrés par l’équipe, les actions d’amélioration, mais également les règles de fonctionnement qu’elle souhaite afficher comme les DOR, les DOD (à chaque étape), les indicateurs (burnup, burndown, cumulativ flow chart), les actions (backlog des actions d’amélioration), les limites de WIP (à chaque étape, sous-étape, global ou par personne), etc. Tous ces éléments autour desquels se retrouve l’équipe et les parties prenantes dans le but de trouver des axes sur lesquels s’améliorer.

Selon les besoins, les attentes ou les difficultés d’une équipe, il peut même être mis en place plusieurs management visuel, pouvant représenter par exemple :

  • Les étapes de production
  • Le contenu de la version avec des jalons
  • Le planning de la semaine par demi-journée et par personne
  • La mindmap
  • etc.

Pour être efficace en termes d’amélioration continue, un management visuel se doit de coller parfaitement au contexte et au fonctionnement de l’équipe. Il doit pouvoir évoluer librement en fonction des problèmes rencontrés, des expérimentations d’amélioration, et des challenges de l’équipe. Il est un outil fondamental de l’amélioration continue. Si vous n’en êtes pas convaincu, voici un axe d’amélioration sur lequel vous pourriez travailler 🙂

Conclusion

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Comme vous l’avez constaté, j’ai davantage développé ma réflexion sur le management visuel « papier ». Pourquoi ? Tout simplement parce que les intérêts sont bien présents malgré la réticence que nous avons tous de prime abord. Mais il faut prendre le temps de bien comprendre l’objectif d’un management visuel car si on ne se pose pas la question, si on ne prend pas le temps de vraiment étudier cette question, on pense toujours que « virtuel ou non, un management visuel, c’est un management visuel ».

Avec le temps, les managements visuels sont considérés comme des outils de suivi et de reporting, et non plus comme des outils d’amélioration continue, alors que c’est pour cela qu’ils ont été imaginés au départ. Le temps de conception est négligé, et on oublie de remettre le modèle en cause afin de faire évoluer notre board ou notre processus. Et tout ceci au détriment de l’amélioration.

A la manière du Lean, je proposerais simplement d’expérimenter et de jouer le jeu. Réaliser un vrai management visuel représentant le plus fidèlement possible votre activité sans vous soucier des limites imposées par les outils informatiques. Retrouvez-vous, équipe, managers, PO, parties prenantes autour de ce board complété avec vos règles de fonctionnement. Voyez si les discussions y sont constructives, et voyez si la résolution des problèmes remontés améliore votre travail. Et de votre côté ? Papier ou virtuel ? Combien d’amélioration votre management visuel vous permet de réaliser chaque mois ?


 

EDIT : Au cours de la rédaction de cet article, j’ai découvert un outil qui semble beaucoup moins contraignant et extrêmement flexible. Il a été créé justement pour réduire la différence qu’il y a entre le papier et le numérique par Ubikey et Operae Partners : Voir la vidéo de présentation. N’ayant pas essayé, je ne peux pas donner un avis objectif, mais cela semble vraiment très prometteur.

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