J’ai déjà écrit un article traitant de cette méthode extrêmement puissante qu’est le questionnement socratique. Elle permet d’accompagner la réflexion de nos interlocuteurs pour qu’eux-mêmes finissent par apprendre et trouver leurs propres solutions. Mais cet article était très théorique et avec le recul, il ne reflétait pas assez la puissance de cette approche à mon goût. Je ne savais pas comment trouver un exemple précis et claire, et finalement, le week-end dernier je suis tombé sur un livre intitulé « Permettre à la chance d’entrer dans sa vie » de Véronique Lours.
Bien que le sujet principal soit ici bien éloigné de l’IT, il y a dans ce livre un extrait que j’ai réellement trouvé intéressant car il montre un très bel exemple de mise en application de ce type de questionnement. Il reflète parfaitement le cheminement que nous devons avoir en tant que coach : diriger le regard des personnes vers des opportunités d’amélioration et non leur fournir les solutions. C’en est alors de la responsabilité de ces personnes de les saisir ou pas.
Petit rappel des trois objectifs du questionnement socratique (détaillés dans cet article) :
- Rendre visibles et observables les idées de son interlocuteur
- Amener l’interlocuteur à réfléchir et à approfondir la connaissance d’un sujet
- Élargir les perspectives
L’extrait parle d’une personne très attachée à sa vieille chambre à coucher pour une raison qui lui parait évidente. Je l’avais bien dit, on est loin de l’IT. Pour améliorer son objectif (ici, le bonheur), l’auteur va questionner son interlocuteur sur son attachement et lui permettre de comprendre par lui-même ce sur quoi il repose et ce qu’il représente (Objectif 1). Ensuite, l’auteur fera prendre conscience que ce ressenti ne porte en fait que sur des croyances qui sont contradictoires avec la réalité (Objectif 2). Il va ensuite orienter le regard de son interlocuteur vers une piste pouvant améliorer son objectif (Objectif 3).
Extrait :
Interlocuteur : Le mobilier de ma chambre à coucher date des années 1970. Même si à l’époque ça représentait ce qui pouvait se faire de mieux, aujourd’hui, elle ne me plaît plus… Mais je n’arrive pas à me décider à la remplacer.
Coach : Qu’est-ce qui vous en empêche ? Qu’est-ce que cette chambre à coucher signifie pour vous ?
Interlocuteur : Elle représente notre mariage. Cela va faire 27 ans cette année que nous sommes mariés. Et j’aime mon mari.
Coach : Donc conserver votre vieille chambre à coucher signifie que vous aimez votre mari ?
Interlocuteur : C’est ça.
Coach : Est-ce que c’est simplement cette vieille chambre à coucher qui est le témoin de votre amour ou existe-t-il d’autres éléments dans votre vie qui en témoigne ?
Interlocuteur : Non il y a beaucoup d’autres choses.
Coach : En changer voudrait dire quoi pour vous ? Que vous n’aimez plus votre mari ?
Interlocuteur : Non bien sûr, mais quelque part cela signifierait que nous passons à autre chose, comme si je balayer une période de ma vie…
Coach : Et vous ne voulait pas tout effacer de cette période ?
Interlocuteur : Non il y a eu trop de bons moments.
Coach : Si vous ne deviez conserver qu’un objet ou un détail de cette chambre à coucher qui vous rappelle ces bons moments, lequel ou lesquels seraient-ils ?
Interlocuteur : Tout est usé, le matelas n’en peut plus, le sommier est bancal, les meubles sont ternes, les armoires et les coiffeuses ne me plaisent plus… Non vraiment, rien est à conserver… Sauf mon mari !
Coach : Croyez-vous qu’aujourd’hui cette vieille chambre à coucher soit à l’image de l’amour que vous portez à votre mari. C’est-à-dire un amour usé, bancal et terne ?…
Interlocuteur : Ô non, absolument pas !
Coach : Et qu’est-ce que cela vous apportera de changer cette bonne vieille chambre à coucher ?
Interlocuteur : Finalement, ce serait une bonne façon de montrer que notre couple est aussi neuf et vivant qu’à l’origine.
Coach : Est-ce que quelqu’un ou votre mari verrait, lui, un inconvénient à changer le mobilier de cette chambre ?
Interlocuteur : Non, pas du tout… Si ce n’est malgré tout le prix que pourrait coûter le mobilier d’une nouvelle.
Coach : Pensez-vous qu’il soit possible matériellement de remplacer les meubles de la vieille chambre à coucher par de nouveau ?
Interlocuteur : Oui, en y allant progressivement, En échelonnant les dépenses.
Coach : Quand comptez-vous commencer cette remise à neuf de l’amour qui anime votre couple ?
Interlocuteur : Dès que j’en aurais parlé à mon mari et que nous aurons établi un échéancier pour planifier les achats.
On observe bien ici la stratégie de questionnement socratique adoptée par le coach qui met en contradiction la motivation de départ de son interlocuteur avec la réalité. La personne voit la chambre comme le symbole de l’amour avec son mari. Puis elle lui fait prendre conscience que sa chambre n’est pas vraiment à l’image de l’amour qu’elle porte à son mari. Au final, si elle souhaite une chambre à l’image de son couple, il faudra alors une nouvelle chambre pour « remettre à neuf l’amour qui anime son couple ». CQFD 🙂
Si vous n’êtes pas convaincu par la puissance de la démarche, essayez simplement d’imaginer un inconnu dire à la personne : « Changer votre chambre, elle est trop vieille ».
Je vous laisse imaginer l’effet que cela aurait :
- Refus catégorique de la personne
- Rupture de la communication (quelle est cette personne pour me dire ce que je dois faire ?)
- Finalement, aucun changement